
Cameroun: le Chambre des Comptes relève un déficit de 7,799 milliards de Fcfa à la Semry
Bénéficiaire des subventions d’exploitation d’un montant de 2,8 milliards de Fcfa versées par l’Etat entre 2018 et 2021, la juridiction des comptes dans un récent rapport d’audit indique la Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua a été déficitaire à hauteur de 7,799 milliards de Fcfa, sur la même période, formule à cet effet 11 recommandations et ouvre une procédure pour faute de gestion.
Par Destin André Mballa
La Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua (Semry) va mal. Elle est fardeau financier pour l’Etat du Cameroun. Un récent rapport d’audit de la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun révèle qu’entre 2018 et 2021, cette entreprise publique a accumulé des pertes à hauteur de 7,799 milliards de Fcfa alors même qu’elle bénéficiait des subventions d’exploitation de 2,8 milliards de Fcfa versées par l’Etat. A en croire la juridiction des comptes la Semry échappe au dépôt de bilan grâce à des investissements publics massifs sous forme de contrat de performance (1989 – 1994) et de contrats-plan (2003-2009 et 2013-2019) et de subventions de toute nature.
La chambre des Comptes constate que sur la seule période de 2018 à 2022, l’État qui a octroyé à cette entreprise 8,269 milliards de Fcfa, n’a par contre perçu aucun dividende sur la même période à cause des résultats déficitaires. Les pertes cumulées au 31 décembre 2021 se chiffrent à plus de 37 milliards. Au terme de son contrôle, la juridiction des comptes relève que la Semry peine à exercer efficacement ses activités cœur de métier que sont les prestations rizicoles fournies aux riziculteurs et la transformation puis la commercialisation du riz blanchi. Cet état de chose se justifie, entre autres, par des manquements graves dans la gestion de la Semry découlant logiquement de l’absence d’une gouvernance économique efficiente et efficace. Un conseil d’administration au rôle mal affirmé auquel s’associe une tutelle ministérielle insuffisante, ce qui conduit à un faible impact sur la performance de la Semry Le conseil d’administration manque de profondeur dans l’analyse des préoccupations stratégiques et ne favorise pas la formulation des stratégies précises et documentées.
La chambre des Comptes de la Cour Suprême du Cameroun relève la faible utilisation des capacités industrielles de la Semry. Les deux grandes usines de transformation situées à Yagoua et Maga ont une capacité théorique de 46 800 tonnes par an, mais n’en ont transformé que 2 687 tonnes en 2021, soit 5,74 % de leur potentiel. Selon les responsables de l’entreprise, ces usines peuvent fonctionner 18 heures par jour. Pourtant, en pratique, la production reste marginale, rendant les charges fixes et indirectes particulièrement lourdes au prorata du volume transformé. Les charges de distribution atteignent 95 millions de Fcfa, soit plus que les charges de transformation (74 millions de Fcfa). Les frais généraux représentent en moyenne 65 % du montant des ventes, une part jugée excessivement élevée.
La Semry vend ainsi son riz à perte de manière chronique. Le kilogramme de riz blanchi coûte 743 Fcfa à produire, mais est revendu à seulement 376 Fcfa. Même avec une subvention de 131 Fcfa par kilogramme, chaque unité vendue engendre une perte nette de 236 Fcfa. La Semry, société à capital public dont l’État est actionnaire unique a été créée en 1971. Elle a pour mission de lutter contre la pauvreté en fixant les jeunes dans les villages rizicoles du département du Mayo Danay et de contribuer à l’autosuffisance du Cameroun en riz. Elle a aménagé un périmètre agricole de 11 500 hectares irrigués et encadre plus de 22 000 riziculteurs à Yagoua et à Maga. Elle possède trois (03) usines de transformation dans la zone de Yagoua et une (01) usine dans la zone de Maga. Cette entreprise publique a deux principales activités, en l’occurrence la fourniture des prestations rizicoles (activités de labour, gestion de l’eau, entretien des parcelles, accompagnement technique) en contrepartie du paiement d’une redevance rizicole et la production du riz blanchi.
L’activité d’encadrement a permis aux riziculteurs de produire entre 61 500 et 80 000 tonnes de riz paddy par an depuis 2018. La Semry produit du riz blanchi après avoir acheté aux producteurs une partie de leur production et l’avoir transformé dans ses usines : la production de riz blanchi a varié de 688 à 1135 tonnes par an depuis 2018. Cependant, la Semry envisage une diversification de ses activités et expérimente à ce titre des activités d’embouche bovine et de pisciculture, qui reste aujourd’hui marginales.